Max Dérhy, un éditeur désabusé
Fondateur des éditions Arborescence, fondateur et PDG d'Havas Interactive, éditeur de plus de 50 CDRoms, le plus grand visionnaire du marché multimédia français
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Ensemble des témoignages

Victor Hugo : auteur
Jules Verne : auteur
Balzac : auteur
A. David-néel : auteur

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Interview

 


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Le multimédia est un leurre, on s'est fait berner par les développeurs de technologies


Vos vues sur le multimédia après 10 ans d'activité?

Le multimédia est un leurre et on s'est fait berner par les développeurs de technologie. Les éditeurs, les auteurs, on a été un peu les dindons de la farce.
Moi, j'ai cru très très tôt au multimédia comme un nouveau média, un nouveau mode d'expression, parce qu'il promettait en plus de tous les média quelque chose en plus, c'est l'interactivité, c'est-à-dire de faire des spectateurs des acteurs actifs et maîtres de leur choix. Et cette interactivité se développait au prix d'énormes efforts technologiques, et de conception pour les auteurs aussi, parce que c'est un vrai casse-tête de faire un beau CDRom.

Je suis arrivé à ces conclusions après beaucoup de travail et pas par hasard. Bref, l'idée de la chanson selon Brel, c'est que c'est un art mineur. Il racontait qu'en deux ou trois minutes d'une chanson, on n'a pas le temps de raconter une histoire. Or quand j'étais jeune, j'adorais Brel, et je ne comprenais pas sa réflexion. Aujourd'hui je comprends mieux la réflexion de ce bonhomme, parce qu'il était au cœur des choses, c'était son métier et c'était son expérience qui parlait. Le multimédia, c'est pareil, c'est un art mineur.

Vous avez donc arrêté votre activité en multimédia?
Oui. Le marché ne s'est pas développé, parce que le support est décevant, parce que vous ne supportez pas d'attendre 3 minutes pour charger votre CDRom. Vous ne le supportez pas pour la télé, pourquoi le feriez-vous pour votre ordinateur? Tout cela c'est de notre faute parce qu'on a été naïfs, mais c'est surtout la faute des fabriquants, des constructeurs qui nous ont fait croire que c'est un média. Il y a beaucoup d'argent investi en marketing et publicité pour vendre les ordinateurs. Ce sont des marchés très importants pour eux, parce que ce sont des marchés grand-public. Toute la publicité est faite pour faire croire que c'est une machine agréable. Or voir un CDRom actuellement, sur ordinateur, c'est une contrainte insupportable : c'est trois minutes pour allumer son ordinateur, c'est des difficultés énormes pour configurer son logiciel. Même moi actuellement, j'hésite à installer des choses sur mon ordinateur. Il y a un vrai manque technologique. L'ordinateur n'est pas une console de jeu et il n'y pas de marché. Le marché du CDRom actuellement, c'est "peanuts". Les parts de marché ont été ou vont être prises par l'internet.
Donc en fait, Soussigne, avec le Victor Hugo a fait un des plus beau et surtout un des derniers CDRom d'auteurs. Je crois qu'il n'y en aura plus, peut-être des épisodiques, mais il n'y en aura plus.
Et cette politique d'auteur est juste le fruit d'une grande erreur de ma part. C'est-à-dire que j'ai cru à quelque chose, j'ai cru au multimédia, avant tout le monde. On a fait des CDRoms quand personne n'en faisait, on a fait 50 CDRoms quand le suivant n'en a fait que 20 ou 30. Donc on était en avance, mais j'ai aussi une erreur d'avance, à savoir que je me suis aperçu avant tout le monde que le marché était fini. Demandez à Soussigne, lorsque son CDRom est sorti en 1997, je savais que le marché était fini.

Le CDRom est en fait un support qui demande beaucoup d'énergie, qui est très compliqué par rapport au marché et par rapport à la satisfaction qu'on en retire. L'écran finalement est trop petit. On a surinvesti par rapport au marché et au support. Le CDRom est mort parce que le marché ne s'est pas créé, à cause des coûts de production. Si voulez faire de belles choses, c'est beaucoup d'argent. (Le XIX° Siècle de Victor Hugo, c'est 1,5 millions de Francs) par rapport à un marché inexistant. On ne pourra donc plus jamais faire un CDRom comme celui de Victor Hugo. Je lui ai dit à Soussigne lorsque son produit a été sur le marché. Lui croyait qu'on allait en vendre parce que le produit était bien, moi, je savais que bien ou pas bien, le CD n'allait pas se vendre.
Un CDRom c'est 150 F, il reste 60F à l'éditeur. Pour le cinéma une place de cinéma c'est à peu près les mêmes ratios pour les producteurs que les éditeurs. Mais un mauvais film c'est 200 ou 230 000 entrées, un bon CDRom c'est 5000 ventes.
Et nous on a été les premiers à subir tout ça.

En quoi croyez-vous maintenant?

Ce à quoi je crois : je crois en rien. C'est une grande déception pour moi, parce que j'ai cru en quelque chose et que j'ai été berné. Cela a aussi été une grande satisfaction de voir ce qui a été fait. C'est bien d'avoir laissé quelque chose, même si dans deux ou trois ans, il n'y aura plus une machine pour lire ce qui aura été fait. Je n'ai eu que des joies, en rencontrant ces auteurs. Ce sont les bonhommes qui m'intéressent le plus. Ma grande satisfaction, en fait, c'est la relation humaine avec ces gens-là (les auteurs). Ma réussite, c'est des CDRoms, c'est d'avoir cru au métier d'éditeur nouveau. J'aime les livres, j'aime l'édition et je pensais pouvoir apporter quelque chose. Et puis il faut relativiser, c'est en fait peu de choses 50 CDRoms…
Le vrai mode d'expression pour un auteur c'est le livre, ce n'est pas le CDRom. Moi, je décourage les auteurs de faire un CDRom.


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Une vision française unique du multimédia


Vous débutez en 1989, avant tout le monde?

Mon histoire, elle a commencé avant tout le monde, effectivement. J'ai commencé par créer une société de multimédia. A l'époque, ça ne s'appelait pas comme ça. J'ai donc créé Arborescence sur la simple idée que la venue de la couleur sur l'ordinateur allait révolutionner l'usage de la machine.

En médecine, on dit que c'est la fonction qui fait l'organe et pas le contraire. Et là pour moi, c'était la même chose, la couleur allait transformer l'usage de la machine: ça n'allait plus être une machine à calculer, ou ranger, mais ce deviendrait une machine à montrer. Je crois que c'est la seule vision que j'ai jamais eue, qui est très très juste, aujourd'hui, mais qui, à l'époque, était complètement folle. Voilà donc notre départ: la machine, va être interactive, multimédia, en tous cas animée. Et puis la société s'est très bien développée sur ce secteur en faisant du luxe, des présentations d'entreprises, des démonstrations de produits, des images de synthèse…jusqu'au moment de la Guerre du Golfe. Souvent on croit qu'on est génial et puis on se rend compte qu'on a eu beaucoup de chance. Donc la guerre est arrivée et je n'avais plus rien à faire faire à mes 20 employés. J'allais à l'époque beaucoup aux Etats-Unis et j'ai vu émerger le marché des CDRoms. Je me suis dit alors, c'est ça qu'on va faire, on va être éditeur. Evidemment, on ne fait pas les choses par hasard, il y a des passions derrière. Passionné par le livre, j'ai toujours voulu être éditeur.

Quel est le CDRom que vous avez préféré dans tous ceux que vous avez édité?

Monet-Verlaine-Debussy
parce que c'est le premier vrai CDRom, parce qu'il y avait une vraie création. L'encyclopédie des hommes célèbres, que personne ne connaît, qui est le dernier et qui est le plus beau en terme de contenu et techniquement. Il est passé à la trappe. C'est un gros catalogue. J'en suis fier parce que c'est le premier produit sur le marché qui proposait en standard une connexion internet, avec la capacité d'aller chercher sur des sites des contenus complémentaires. C'était le premier il y a trois ans. Je l'ai fait avec Guy Casaril, c'est une encyclopédie. J'en suis très fier parce qu'il est beau, qu'il y a l'essentiel. On n'a pas fait un bide, on en a vendu 20.000 exemplaires la première année de lancement, mais bon on était sur le marché en même temps que Encarta de Microsoft, c'est pour ça que je peux dire que ce n'est pas un bide. C'est un produit qui n'a pas été compris parce qu'il n'y avait pas tout sur le CDRom, on était encore trop en avance à l'époque. Ce CDRom est le plus beau parce que c'était une vraie idée, de complémentarité entre le off-line et le on-line, entre le savoir multimédia du CDRom (des sons, des musiques, des images…), et le savoir qui n'pas besoin d'être multimédia qu'on trouve sur les sites. Ah, oui, il y aussi le plus ancien qui m'a beaucoup touché c'est le drôle d'alphabet sauvage, un produit pour enfant, un abécédaire, il y avait une idée de concevoir des produits pérennes : tous les enfants de 3 ou 4 ans allaient acheter le CDRom. S'il y avait encore un marché ce serait peut-être celui-ci qui serait d'actualité. Il était drôle, il avait été fait dans des conditions difficiles, pendant la Guerre du Golfe. A cette époque, j'étais le seul à me rendre compte qu'il n'y avait plus de travail, alors que mes employés eux s'amusaient à faire bouger des animaux sur les écrans. C'est grâce à cette ambiance qu'il est devenu drôle.
Le Victor Hugo, je ne le mettrai pas parmi les plus beaux, enfin parmi ceux qui m'ont le plus touché parce que malheureusement, il est arrivé à un mauvais moment.


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Une politique d'auteur et une contribution au développement du marché


Votre originalité, c'est d'avoir fait confiance à des auteurs venus du monde littéraire?

La politique d'auteur fut une évidence pour moi, et on avait commencé 5 ans avant tout le monde, donc on était très très productifs au niveau des développeurs. Avec 10 personnes on produisait 10 CDRoms par an. On avait donc des coûts de production bas, on était efficaces, parce qu'on avait acquis une expérience plus importante que les autres.

J'avais une société qui marchait très très bien. On est, je crois les seuls, qui avons toujours gagné de l'argent sur ce secteur. J'ai toujours eu des bilans équilibrés et positifs, jusqu'à l'année de mon départ où, là, c'était autre chose.
En devenant éditeur, j'ai découvert qu'il fallait beaucoup d'argent. J'ai donc vendu ma société Arborescence à Havas, avec le deal suivant : je vends la société, mais elle va très bien. On avait des ventes importantes aux Etats-Unis, je n'avais en fait pas besoin financièrement de vendre la société, pas du tout. Mais dans ces métiers-là comme le cinéma, il faut toujours plus d'argent pour faire de plus beaux CDRoms. Havas me permettait cela. Je m'étais rendu compte que pour se faire plaisir en tant qu'éditeur, il fallait encore plus de fonds et ce n'est pas notre argent qui suffit. Il fallait l'argent d'un grand groupe. Et j'ai proposé en échange à Havas de leur créer une nouvelle image, modifier cette image de groupe, cette image d'agence de voyage et de grand holding financier. Je leur ai dit exactement ceci : ça va vous coûter 10 millions, ou 15 millions par an et Havas va devenir un grand groupe de communication moderne reconnu. A l'époque on disait Havas, c'était Havas Voyages. Et ça a particulièrement bien marché. Et tellement bien marché que la Générale des Eaux a voulu profiter de ce mouvement multimédia et d'édition et donc a acheté Havas ! La preuve est que l'année où je suis parti, en 1997, ce qu'on a retenu de Havas c'est le lancement de Havas On Line ! C'est pas autre chose, alors que HOL, c'est vraiment très petit comme chiffre d'affaires, comparé aux autres activités d'Havas. C'est en fait ça qui faisait râler les autres : je me permettais de dépenser de l'argent pour faire de belles choses; je me permettais de dépenser de l'argent pour vendre pas cher. Quelque part, j'étais un emmerdeur par rapport à tous mes concurrents qui avaient préféré rester indépendants, ou ne pas être dépendants. Moi, j'ai vendu toute la société, pas 40%, pas 51%, j'ai tout vendu. Et ceci pour ne plus avoir d'intérêt financier propre dans les projets et pour pouvoir me consacrer uniquement à la qualité et contribuer au développement du marché.
C'est la première fois que je parle de cela. En effet ce choix était personnel, ce n'est pas un choix éditorial. Je voulais contribuer au développement du marché et faire bouger les choses, plutôt que de rester propriétaire, faire des produits moins bien, les vendre plus chers et vivre différemment.
On a bien réussi le pari, on a fait une cinquantaine de CDRoms, on a créé HOL sur la même politique que celle des CDRoms, puisqu'on proposait un connexion internet pour 66F. On a fait 40.000 abonnés en un an. Si on veut démocratiser un média, il faut baisser les prix.

Votre parcours et votre politique?

J'ai créé Arborescence que j'ai vendue à Havas et j'ai travaillé 4 ans à Havas.
J'ai effectivement fait une politique de prix à la baisse. Dans la vie il faut avoir du bon sens et être réaliste. Le prix, c'était important pour le consommateur, et le CDRom était trop cher. C'est marrant parce que quand vous me rappelez tout ça, j'ai en fait tout oublié. C'était une telle évidence à l'époque…300 F un CDRom c'est voler les gens et "on tuait la poule" évidemment. Et bien oui, j'ai mis les CDRoms au juste prix et c'est tout. C'est un problème de commerce, les gens préfèrent mettre sur le marché des choses à 300 F, ne pas les vendre plutôt que de mettre des produits à 150F et les vendre…Il y en a qui ont compris et qui marchent très bien. Mais c'est évident qu'on doit ramener le CDRom au prix d'une sortie, d'un cinéma, d'une cassette-vidéo, au prix d'un disque. Même moi, quand je sortais avec mes enfants et qu'on allait à la Fnac, je leur achetais un disque parce que ça valait 100 F et je n'achetais pas de CDRom. Les éditeurs ne sortent pas, ne vont pas dans les magasins… Il y a un vrai décalage. Acheter le Louvre à 350 F, c'est du vol. C'est celui-là même qui a été si vendu qui a découragé les ventes. Vous achetez ça 350 F parce que c'est la référence, vous le regardez 15 minutes. C'est fini. Et bien vous n'en rachetez pas derrière. Vous avez dans ce CDRom un centaine de tableaux que vous ne regardez même pas. C'est graphiquement beau, bon. Mais si vous me dites que c'est ça les CDRoms, j'arrête.
J'ai donc édité une cinquantaine de CDRoms, ce qui est énorme, je crois être le plus grand éditeur de CDRoms du monde, en tous cas en France, là c'est facile, c'est une évidence. Et puis avec le temps j'ai découvert qu'il y a deux types de CDRom : les catalogues, et les CDRoms d'auteur. Et très vite ce qui m'a plu, c'est la relation avec les auteurs, cette relation humaine qu'on crée avec les auteurs. Des auteurs, j'en ai eu trois marquant : Pascal Bonafou, Daniel Garric, et Guy Casaril, qui a fait les triptyques (Monet, Verlaine, Debussy, éd.Arborescence). Pour moi, ce fut le premier CDRom d'auteur. C'est lui qui est venu avec l'idée de mettre en relation trois mode d'expression. J'ai trouvé l'idée absolument extraordinaire, et on a signé sur un coin la table un accord au bout d'une demi-heure de discussion. Et on en a fait 5 ou 6 avec Guy. Il a eu aussi Pascal Bonafou, avec qui on fait deux titres dont le 2000 ans d'histoire de France, très réussis. Ce fut intéressant en fait comme travail parce que l'auteur a besoin des connaissances qu'il n'a pas. Avant de s'approprier le média, il faut qu'il comprenne le support. Or les vrais auteurs sont en général des littéraires. Pour moi ça ne fonctionne donc que s'il existe une réelle rencontre entre l'auteur et l'éditeur, c'est-à-dire si on prend le temps de leur expliquer, qu'on passe du temps avec eux. Avec Guy Casaril, on passait nos journées ensemble. Au fur et à mesure, on a échangé une correspondance très importante par mail, puisqu'il n'était pas en général, sur Paris. Quant à Daniel Garric, il a été le premier vrai auteur multimédia, il faut lui rendre hommage (il est décédé maintenant), c'était un grand bonhomme. J'ai mis un point d'honneur à ne jamais paraître au générique des CDRoms, parce que je me considère comme un promoteur, un éditeur. Ces relations étaient donc très serrées, très intimes, en laissant tout de même une très grand liberté aux auteurs. J'ai travaillé avec Soussigne pareillement. Ce qui d'ailleurs, pour l'anecdote, a été une véritable catastrophe pour le XIX° siècle de Victor Hugo, parce que Jean-Pierre Soussigne est un boulimique et qu'il voulait toujours en faire plus. C'est un projet sur lequel on a éclaté le budget.

Il fallait donc, c'était une nécessité, une relation exceptionnelle entre un auteur et son éditeur, avec une grande phase de transmission du savoir. Et paradoxalement, les auteurs ont fait évoluer les technologies. Par exemple, pour ce qui est du son et de faire synchroniser le son et l'image. En cinéma, c'est une évidence, en informatique c'est un vrai casse-tête parce que toutes les machines ne tournent pas à la même vitesse. Il y a aussi le problème de la typo, est-ce qu'on doit lire à l'écran, qu'est-ce qui est lisible ou pas. Avec les nombreuses discussions avec les auteurs, on a créé de nouvelles formes de développements qui ont été reprises dans les produits suivants.


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Le disfonctionnement du marché, le ludo-éducatif, et l'internet


Quelles sont les politiques de vente-marketing de nos jours pour vendre un CDRom?

Il faut savoir que la Fnac détient 50% de la distribution. C'est la Fnac qui fait la loi. Il faut se rendre compte de l'inégalité de puissance entre l'éditeur et les chaînes de distribution. La Fnac et Carrefour font ce qu'ils veulent. Lorsqu'un titre marche bien, ils vous rackettent et lorsqu'il ne marche pas ils ne vous le prennent pas. En fait, on est arrivé avec un métier neuf et un produit qui nécessitait que les investissements publicitaires soient faits, dans un secteur, qui est complètement lessivé, labouré et pressé. Ce n'est pas normal qu'actuellement celui qui vend le produit gagne plus que celui qui fait le produit et qui fait la promotion. La distribution applique à des secteurs établis depuis 30 ans (disque et livre) les mêmes règles qu'à un secteur émergeant. Ils tuent donc le marché dans l'œuf. En fait l'argent dépensé en publicité est égal au chiffre d'affaires généré sur un produit…Moi, j'étais très prudent sur la publicité parce que ce qui aurait dû servir aussi, c'est le bouche à oreille, un peu comme le cinéma. Et ça, ça ne fonctionne pas parce que l'utilisation du CDRom reste hyper-confidentielle. Vous voyez un film, il vous plaît, vous en parlez. Vous aimez un CDRom, vous n'en parlez pas. Il y a aussi le piratage. Mais c'est quelque chose que je n'ai pas connu. C'est depuis l'année dernière qu'on en parle.

Travaillez-vous toujours pour l'Arche?

Non, je suis sorti de l'Arche. C'est devenu trop politique. En France, il n'y a jamais eu de vraie politique en multimédia. Quand Jospin fait son discours l'année dernière en disant on va étudier ce qui se passe et agir, il se foutait de la gueule du monde, parce qu'on sait tous ce qu'il y a à faire et c'est maintenant qu'il faut agir et pas demain. C'est un moyen juste pour endormir les gens. Et puis cette année, enfin, il a déclaré que les ministères étaient libres de leur mouvement et que personne n'allait intervenir. Il était donc clair que les politiques n'avaient pas l'intention d'intervenir dans le développement des nouvelles technologies en France. Ca y est, on le sait, il ne faut pas compter sur eux, c'est tout. Mais c'est dommage, parce que moi, j'ai vendu ma boîte, j'ai survécu, j'ai pu faire des choses. Il y avait beaucoup de gens autour de moi qui n'avaient pas les moyens que j'avais et qui ont disparu et beaucoup d'auteurs qui n'ont pas pu être édités. C'est monstrueux le nombre de produits qui n'ont pas été édités.

Vous croyez au ludo-éducatif sur CDRom?

Ca, c'est un vrai sujet. Le ludo-éducatif, c'est un acte de mauvaise foi : l'enfant veut du ludique et le parent veut de l'éducatif. Donc les éditeurs pensent plutôt aux parents, il font de l'éducatif. Ce qui plaît aux enfants, c'est le ludique, pas l'éducatif. Nous on a fait les produits des Peter, basé sur le ludique uniquement. Les produits plaisaient aux enfants pas aux parents et on s'est fait distancer par Cocktail et les Adis, alors que moi, je croyais beaucoup au ludique. Ces produits-là, j'y ai franchement cru. J'ai cru aux Peter, et aux triptyques, et puis je n'ai plus cru au CDRom. J'en faisais par passion et puis parce que j'étais dans un engrenage, ça servait au groupe. Le malheur de l'éducatif, c'est que ce sont les parents qui achètent et eux veulent de l'éducatif. Alors un produit éducatif sur la littérature, non je n'y crois pas. J'y crois pas parce que je ne crois plus au CDRom et à son marché. En fait, je crois au livre

Et sur l'internet?

Rien non plus tant que les techniques ne sont pas suffisantes.


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Le multimédia de demain, de l'internet et de la télévision numérique


Si on a deux ou trois ans d'avance avec vous, qu'est-ce qui va marcher?

Ou plutôt qu'est-ce qui m'intéresse, maintenant…Je crois que l'internet va s'installer, mais cela va demander beaucoup plus de temps que ce que l'on croit peut-être cinq ou dix ans, avant que ce soit un usage courant, même aux Etats Unis. Il y a beaucoup moins d'usage courant sur internet que ce qu'on dit. L'usage aux Etats Unis, c'est le mail. Donc le mail, c'est la poste, ce n'est pas l'internet. Avant que l'internet soit utilisé comme un média de masse au même niveau que la télévision par exemple, il y a encore cinq à dix ans, même aux Etat-Unis, parce que les réseaux, les modems et les terminaux sont aberrants.

Je crois aussi que les ordinateurs tels qu'on les connaît vont disparaître. Vous aurez dans votre poche une petite machine avec laquelle vous pourrez écrire, téléphoner. Vous aurez des machines dédiées à une fonction: votre téléphone fera internet, votre machine à écrire sera un "act-up" pour envoyer des trucs, imprimer, faire vos comptes. Vous aurez la télévision pour l'interactivité et la console pour le jeu.

Vous croyez donc toujours à la télévision numérique interactive, comme vous l'aviez écrit dans les propositions de l'Arche, en 1996? Y aura-t'il un seul écran pour la maison

Oui, bien sûr, je crois à la télé numérique. Je crois qu'actuellement on veut tout centraliser sur l'ordinateur, comme un terminal et on veut tout mettre sur l'ordinateur. Or l'ordinateur, il fait tout mais pas bien. Pour jouer il vaut mieux une bonne console, pour l'internet, il faut une machine dédiée. Je viens d'installer Internet Explorer sur mon mac, et ça prend 10 mégaoctets, c'est pas normal. C'est aberrant de charger autant pour si peu. L'évolution ça va être des machines dédiées par fonction et il y aura une télévision interactive, ça c'est sûr, qui permettra de faire du télé-achat, de la consultation d'informations, en temps réel. Et puis c'est tout, elle ne servira pas à jouer. Pour jouer, vous aurez votre console, sauf si c'est en réseau. La vraie erreur est d'avoir voulu imposer une machine comme un standard à tout faire. Et l'ordinateur est tout sauf un standard à tout faire. C'est un standard à tout mal faire. Repensez à cela dans 5-10 ans.
Actuellement, je lis beaucoup sur les biotechnologies, je crois que ce sera la grande révolution du XXI° siècle, plus importante que la révolution informatique.

En résumé, le multimédia est un leurre. Les choses qui ont été faites ne sont pas pérennes, dans 4 ou 5 ans il n'y aura plus de machine pour les CDRom dans l'état actuel. Il va falloir attendre10 ou 20 ans pour pouvoir avoir de nouveaux produits pour le long terme. Parce qu'en fait le média qui bouffe tout, c'est la télé. Le poids de la télé dans l'occupation des gens est trop fort. Le seul élément qui arrive à concurrencer la télé, c'est le jeu, c'est tout. La meilleure métaphore du numérique actuellement c'est le DVD. Je suis très impressionné par le DVD, par rapport à une cassette-vidéo. Je crois que la télé va rester la même, en mieux, avec un interactivité. Il suffit de regarder de la formule1 sur CanalSatellite : on peut choisir son point de vue, sa caméra. Il va y avoir ces types de choses dans tous les domaines. Et puis il va y avoir d'autres fonctions rapportées, proches de ce qu'on avait sur le minitel. Ca va être des annuaires, du télé-achat. La télé numérique, c'est le prolongement de l'interactivité sur ordinateur, pour des fonctions particulières. Et ça, j'y crois beaucoup, oui.


 Max Dérhy, un éditeur désabusé

Fondateur des éditions Arborescence, fondateur et PDG d'Havas Interactive, éditeur de plus de 50 CDRoms, le plus grand visionnaire du marché multimédia français
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Ensemble des témoignages

Victor Hugo : auteur

Jules Verne : auteur

Balzac : auteur

A. David-néel : auteur

Biographie

 

Max Dérhy est l'homme du multimédia en France, le visionnaire, celui qui a cru le premier au multimédia, et qui a aussi été le premier à être déçu par le marché du CDRom.

Son discours plutôt négatif, n'est pas un coup de gueule après une désillusion d'un monde dur, celui de l'édition. Son pessimisme vient d'une réflexion de plus de dix ans d'activité et de près d'un an de réflexion, hors du marché économique. Faisons-lui confiance, il a prouvé que ses visions avaient du poids...

Dates :

- 1989 : Créateur de la première société de produit multimédia Arborescence en 1989, sur la simple idée que la couleur allait révolutionner l'utilisation de la machine informatique. On connaît leurs superbes présentations luxueuses de voitures de collection, leurs CDRoms sur toutes les régions du monde...

- 1992 : Monet, Verlaine, Debussy. Les tryptiques (CDRom de Guy Casaril)

- 1994 : Max Dérhy revend Arborescence à Havas, et crée Havas Interactive, promettant au géant du voyage de devenir aussi un géant du multimédia. Le pari est particulièrement réussi lorsque l'on voit le tapage médiatique lors de la sortie de HOL

- 1997 : Max Dérhy quitte Havas Interactive, et se consacre à la lecture et à l'écriture

 

 

Le XIX° siècle de Victor Hugo


Max Dhéry 

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Fiche technique et analyse

Date de sortie: 1997
Editeur, diffuseur: Arborescence, Havas Interactive
Studio de création: Havas Interactive
Auteurs: Jean-Pierre Soussigne
 Image :  Michel Prudhomme
Son :  Denis Tribalat
Cible: grand public de tous âges
Prix approximatif: 380 francs
Plateforme: PC et MAC

Ce CDRom a pris le parti de présenter le XIX° siècle par l'intermédiaire d'un homme de littérature : Victor Hugo. Ce CDRom se veut être "tout le XIX° siècle, la lumière de la vie et de l'oeuvre de Victor Hugo, l'homme-siècle."*
*Citation de l'éditeur, reprise de la boite-coffret jointe au CDRom.

A l'instar de la vie et l'oeuvre de Victor Hugo, ce CDRom crée une impression de foisonnement, de gigantisme, de lourdeur tellement les chemins pour appréhender l'homme Hugo et son siècle sont nombreux.

Tableau récapitulatif de l'arborescence (dans le sens décroissant de son volume d'informations):
1. L'homme-siècle
2. L'homme-océan
3. Index
4. L'exil
5. Prologue
6. Net (lien avec Internet)

Evidemment, les rubriques sont reliées entre elles, et une lecture transversale est possible selon que le sujet le permet.

Les deux principales rubriques sont l'homme-siècle et l'homme-océan.

1. L'homme-siècle :
Pour resituer un homme dans son siècle, Jean-Pierre Soussigne l'a fait en développant ce qu'était le XIX° siècle, chronologiquement, par repères historiques, mais aussi par la mise en évidence de l'emprunte laissée par la personnalité-même de Victor Hugo sur l'Histoire.

La liberté laissée à l'utilisateur tient dans cet enchevêtrement d'informations que l'on peut découvrir à son gré.
Par exemple, les caricatures sur Hugo, visibles à plusieurs endroits.
Ou encore à l'intérieur d'une grande section, deux possibilités sont offertes pour découvrir une oeuvre ou un homme : en cliquant sur le chapitre choisi et revenir au sommaire, puis de nouveau choisir une nouvelle oeuvre ou un autre homme du XIX° siècle, ou bien opter pour la touche "suivant" qui permet de voir à la suite tous les chapitres cités (on peut faire suivant, précédent, ou retour). Le choix est donc laissé à l'utilisateur : appréhender l'histoire du XIX° siècle par thème par chronologie, tout en panachant à souhait les deux possibilités.

2. L'homme-océan :
Dans ce chapitre qui se veut être un aperçu de l'oeuvre de Hugo, des choix précis ont semble-t'il été pris : pas de textes intégraux, pas de résumés d'oeuvres, mais un choix volontairement étudié.

Déjà, une seule oeuvre, est vue intégralement, c'est Hernani. Elles est resituée par rapport à Hugo : il l'a écrite lorsqu'il avait 28 ans, par rapport à la production littéraire de l'époque, et par rapport aux événements politiques du moment.
Voici les entrées possibles sur l'oeuvre :
- note d'intention de Victor Hugo sur Hernani
- rapport du comité de censure
- décors
- costumes
- Nouveautés d'Hernani dans la vie littéraire parisienne
- texte : acte I

Voici donc un véritable survol d'Hernani de Hugo remise dans son contexte. Pas d'étude plus précise sur la synthaxe, le vocabulaire, ou toutes les autres techniques habituelles proposées pour étudier littérairement une oeuvre romanesque. Le parti-pris a été de resituer dans son contexte historique la vie et les oeuvres de Hugo, et non de faire une étude des textes de Victor Hugo.
On peut par ailleurs lire un nombre impressionnant d'œuvres très importants dans le chapitre'Index'.
Notons le passage obligé pour ouvrir le chapitre sur Hernani : un écran de Victor Hugo jeune, ainsi qu'une citation du moment. Jean-Pierre Soussigne, l'auteur explique très bien ce choix :
"Il fallait que les gens sachent que Hugo n'a pas toujours eu la barbe, n'a pas vécu l'art d'être grand-père à 30 ans, et donc qu'Hernani et une œuvre unique mais écrite par un Hugo qui a 27 ans. Pour moi, il fallait un chemin obligatoire par cette information " .

L'autre parti pris est de choisir des oeuvres moins connues de Victor Hugo : ses dessins, ses caricatures, ainsi que des extraits de textes moins connus.
Jean-Pierre Soussigne reconnaît même qu'il aurait aimé aller plus loin dans ce sens. En effet, si le temps le lui avait permis, il aurait ajouté un chapitre expliquant les prémices du surréalisme dans l'œuvre de Hugo, "évidemment pas dans les œuvres comme Les Misérables ou Notre Dame de Paris, mais dans d'autres moins connues ".

Le support CDRom permet d'entremêler le texte, les images et le son.
Jean-Pierre Soussigne a utilisé au maximum la possibilité de cumuler ces trois médias. Il exige de notre cerveau que nous puissions lire, regarder, et écouter, en même temps, trois sujets différents. Il déclare lorsqu'on lui parle des fameux écrans qui détiennent à la fois une citation qui défile, un texte lu par la voix de Victor Hugo, ainsi qu'une biographie à lire : "c'est moi qui ai pensé à mettre tous ces médias sur un même écran. Effectivement, c'est novateur, mais on me l'a reproché. On a dit que c'était illisible. J'aime bien moi titiller les sens. C'était une volonté de départ. C'est d'ailleurs un peu comme cela que je fonctionne, j'aime faire travailler les différentes parties de mon corps, un peu comme si c'était du sport."

Cela crée une ambiance toute hugolienne : la foison, le gigantisme, d'un homme de lettre politicien, dessinateur, caricaturiste...
Les chemins, les liens entre les grands chapitres, les retours, les possibilités de découverte de l'auteur sont en nombre gigantesque, à la limite du surplus. L'avantage, c'est que l'on a l'impression qu'à chaque ouverture du CDRom, on ouvre un cd que l'on ne connaît pas. Ce foisonnement est d'ailleurs un choix volontaire du concepteur, puisqu'il déclare :
"L'écriture multimédia détient un rapport avec la liberté au sens large qui est très spécial, très ambigu. Sur certains écrans du XIX° siècle de Victor Hugo, il existe pas moins de 18 entrées possibles ! Cette liberté a été volontaire : elle participe à l'amplitude de l'œuvre de Hugo. S'il y au autant de chemins, c'est pour montrer le gigantisme de Hugo, ses liens avec toutes les strates de la société du XIX° siècle. "

La somme impressionnante des thèmes abordés et le graphisme évocateur créent par cette forme de déambulation au travers du XIX° siècle une sensation unique d'imprégnation dans un siècle foisonnant d'innovations de grands hommes, et de grandes interrogations.

Ces liens et rapprochements sont particulièrement bien réussis, pour ne pas dire plus. On sent dans le travail de l'auteur une recherche d'arborescence qui corresponde complètement à Hugo. Le script n'est pas seulement là pour ranger la somme importante d'informations sur l'auteur. Mais il met en valeur, prouve, et exprime un homme, son caractère, son œuvre gigantesque.

Ce CDRom est donc un véritable survol d'un siècle et d'un homme : Victor Hugo.
Ont été utilisées au maximum les possibilités de cumuler les supports image-son-animation pour créer une ambiance de foisonnement, de gigantisme, à l'instar de ce que fut Victor Hugo dans son siècle.
Promenade certaine dans un siècle foisonnant, Le XIX°siècle de Victor Hugo, est avant tout une découverte de l'homme, de ses entrailles. Et c'est grâce au travail de Jean-Pierre Soussigne, auteur dramatique et metteur en scène, à sa recherche de la quintescence de Hugo, à son immersion complète dans un homme, un siècle et une œuvre que le CDRom le XIX° siècle de Victor Hugo est unique et aussi profond.
C'est enfin un véritable CDRom culturel par sa réussite ionographique et musicale, mais aussi grâce au choix des Editions Havas Interactive et Arborescence d'avoir opté pour une politique d'auteur dans la création CDRom.
C'est en fait grâce à l'alchimie de tous ces éléments que l'on voit vibrer numériquement notre gigantesque auteur national Victor Hugo.


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