Alexandra David-Néel,"la femme aux semelles de vent", est un produit pour les amoureux d'Alexandra David-Néel?
Quand on traite du personnage, si on veut faire quelque chose, il faut vraiment s'y intéresser et ne pas s'y intéresser comme un produit. Il faut être un passionné de la question, que cela traite du Tibet, du voyage ou de la dame. Alexandra David-Néel a toujours été un précurseur à la pointe, qui a utilisé les techniques les plus avancées. Ces techniques, elle ne les a pas utilisées pour ses voyages puisque c'est la marche qu'elle a utilisée le plus : c'était pour elle le moyen de découverte le plus total. En 1946, quand on lui a proposé l'avion pour rentrer, elle a refusé parce qu'elle ne voulait pas être accrochée avec une ceinture...

Mais c'est une dame qui a toujours été passionnée par la science et qui a utilisé les moyens de son époque. Pour nous, ils nous paraissent dérisoires avec l'avancée qu'on a prise. Elle a utilisé par exemple des appareils photos très corrects pour l'époque. Lorsqu'elle faisait des conférences, elle faisait des projections, avec des lanternes. Donc le CDRom est un outils tout à fait en corrélation avec le personnage.
Pour le contenu, le personnage c'est l'écriture, l'aventure, son action mais aussi la femme.

Vous connaissiez le multimédia en commençant le CDRom?
Pas du tout. Pour toute l'équipe c'était du neuf. On s'est lancé dans l'affaire un peu comme beaucoup de sociétés qui ont cru au CDRom dans les années 96, suite aux bons résultats des musées nationaux.

Comment êtes-vous donc arrivé personnellement au CDRom?
Ce fut un parcours de passionné pour ma part, parce que si l'on n'avait du compter que sur le personnel communal, on n'aurait pas pu réaliser ce CDRom. Ma formation personnelle (la photo) m'a aidé.

Comment avez-vous travaillé avec les techniciens? Qui a fait les choix graphiques?
On a travaillé pour les images avec une personne de Séquentiel qui s'appelle Coco. Il est graphiste à la base et s'intéresse beaucoup à la BD. Mais il n'avait pas de formation en photographie et on a beaucoup travaillé sur les images photographiques. Donc effectivement, on a dû faire refaire un nombre conséquent d'écrans. Ce qui nous a gêné aussi, c'est l'éloignement : on est à Dignes-les-Bains et les techniciens de Séquentiel travaillaient à Annecy à 600 Kilomètres aller-retour de chez nous.
Il y aura également un site que l'on va créer sur Alexandra David-Néel, avec nos ouvrages, nos activités concernant le parrainage des enfants tibétains. D'ici décembre, il sera terminé.

Vous avez opté pour une arborescence simple: trois chapitres représentant sa vie, ses voyages et son œuvre. Mais vous avez laissé beaucoup de liens entre les trois éléments, comme si vous aviez voulu mettre l'accent sur ces liens plus que sur l'arborescence?
Effectivement, on se déplace latéralement beaucoup plus facilement. En fait, il y a trois chapitres principaux, le premier (sa vie) est le plus important. Ainsi, à chaque épisode, on peut aller effectivement sur un voyage ou des œuvres. En fait ce qu'il faut dire c'est que c'était pour nous un premier CDRom, donc on s'est retrouvé, comme beaucoup de gens qui ont commencé en même temps que nous, devoir découvrir les techniques, comme l'ont fait les gens qui ont fait Jules Verne'Legacy. On a essayé de corriger certaines choses au fur et à mesure. Je ne sais pas si on a eu au départ l'idée de faire des trucs latéraux, mais avec le temps, on les a mis en place, de manière à pouvoir explorer. On s'est limité aussi volontairement, parce qu'on voulait par la suite faire un CDRom sur le Tibet, on a donc volontairement limité les images de paysages et ce qui se rapporte au Tibet. Or pour faire ce CD sur le Tibet, il fallait beaucoup se déplacer, utiliser des archives qui ne nous appartiennent pas, donc chères. Et comme le sujet du Tibet est assez chaud, on s'est rendu compte qu'il faudrait mettre dans la course un investisseur, un éditeur, pour nous soutenir pour obtenir un budget de 4 à 5 millions de Francs. De plus, on s'est retrouvé avec un projet avec un aspect politique, un aspect philosophique et un autre aspect technique et culturel tibétain. On a été amené à faire que l'aspect politique devait être mis de côté, pour des raisons de vente de produits en Chine… On a donc laissé de côté le projet de CD sur le Tibet et évidemment, on se retrouve avec un manque d'informations sur le Tibet dans le CD d'Alexandra David-Néel. Ce CD nous a coûté 1 million deux, on le vend à 280 Francs, à prix coûtant. On en a réalisé 5000 exemplaires.

On a dû limiter son contenu, on a en fait supprimé la moitié du CDRom d'origine, faute de place. J'ai voulu ensuite faire deux CDRoms dans une pochette pour que tout tienne. Mais les développeurs m'ont fait remarquer que le fait d'avoir plusieurs CDRoms enlevait de l'interactivité. On ne pouvait plus se déplacer aussi facilement qu'avec un seul CDRom. Chaque fois, il fallait changer de disque. Parce qu'en fait, financièrement d'imprimer un ou deux CDRoms, c'est quasiment la même chose. Au niveau des documents, nous avons en archive une somme importante de documents, photos… Il y a trois biographies qui existent. Mais ce qui nous manquait c'était des témoignages cinématographiques. Seule exception : trois minutes de l'INA fait par Arnaud Desjardin, en 1969, pour l'émission les invités du dimanche. On a donc voulu animer ces photos qui restaient inertes, qui étaient plus particulièrement dédiées aux albums photo. Ca c'est un travail qui nous a plu. Mais on aurait pu en faire encore plus si on avait eu plus de mémoire disponible sur la galette numérique.

Qu'avez-vous éliminé?
Pour chaque épisode, (il y en a neuf), on avait réalisé une vidéo de Melle Peyronnet, une intervention qui permettait de faire le lien entre chaque épisode finissant l'un et annonçant l'autre. C'est donc faute de place qu'on n'a pas pu l'insérer, parce que vous savez bien que la vidéo prend une place phénoménale. C'est ça que j'ai regretté. C'est cette place qui nous a manqué. On a essayé de regarder les CDRoms déjà existants, les CD de peintres ou de musées et on a essayé de donner au nôtre un peu plus d'animation puisque le personnage se déplaçait constamment : c'est sa raison de vivre. On a essayé de le faire moins statique. Mais on a encore manqué de place. On a pris le parti d'un CDRom et on a dû se limiter au niveau des techniques, volontairement. On a donc repris des techniques beaucoup plus classiques que nous n'aurions voulu.

Quels ont été vos choix commerciaux et financiers?
Nous n'avons pas de diffuseur en France, mais en Suisse et Belgique, qui pratiquent des prix de vente beaucoup plus élevés. Et dans le cadre du musée, notre but n'était pas de faire des plus-values mirobolantes, mais de revenir sur notre mise de fond. C'est la raison pour laquelle aussi nous avons mis un prix coûtant pour 5000 copies effectuées. C'est la raison pour laquelle nous ne passons pas par un diffuseur puisqu'il prendrait la moitié du prix et nous ferait perdre de l'argent.La librairie Plon est là parce qu'elle détient la moitié des droits des textes cités au niveau des livres d'Alexandra David-Néel. Ils ont cédé leurs droits à titre gratuit et ont demandé à être présents sur la jaquette. Mais ils n'ont rien fait dans la réalisation du CDRom. Nous avons donc fait notre CDRom seuls. Les passionnés d'Alexandra David-Néel viennent nous voir à la "maison" et donc s'ils ont les moyens techniques, nous vendons le CD facilement. Et tout cela fait que c'est une configuration qui nous convient bien.
C'est un marché qui monte, mais avec de nombreuses contraintes techniques.

Mais pour le sujet Alexandra David-Néel, est-ce vraiment un problème? Le personnage même est assez porteur pour qu'on ait envie de l'acheter, n'est-il pas conçu pour les passionnés?
Oui, mais on le voit bien lors de la visite du musée qui se termine par la boutique et les ventes des produits. Les gens seraient plus équipés, ils en achèteraient plus. Tous les lecteurs d'Alexandra, plus les passionnés par la cause tibétaine qui sont ramenés sur Alexandra, plus ceux qui font du trekking au Tibet… Mais cela ne veut pas dire qu'ils aient tous leur lecteur CD. Celui qui a un appareil est partant, c'est vrai. D'autant qu'il est à un prix intéressant: 295 F, c'est un prix coûtant.

Quel est votre statut vis-à-vis de la Fondation Alexandra David-Néel? Et votre parcours professionnel?
L'héritier d'Alexandra, c'est la ville de Digne-les-bains, en la personne de Monsieur le Maire. Il y a donc du personnel communal qui est détaché au Musée. Et c'est mon cas. Et donc personne ne vit sur le Musée. C'est comme cela qu'avec la boutique le musée possède une certaine liberté d'action pour réaliser des opérations comme le CDRom ou les films et autres interventions pour promouvoir Alexandra David-Néel. Le musée est gratuit, nos interventions aussi.